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LES GARDIENNES

carré ou porter l’herbe sur un bateau, il n’est pas besoin d’être grand ouvrier ; quant à conduire les chargements, Marivon, qui passait toute sa vie sur l’eau, devait en être capable mieux que n’importe quel autre.

En eflet, il n’y eut pas, au début, grand’chose à dire contre le journalier ; à condition, bien entendu, d’être d’exigence modeste. Mais, à travailler ainsi sans prendre le temps de regarder ce qui se passait dans les branches ou au fond de l’eau, l’homme, peu à peu, s’attristait ; et, conduisant, toujours par les mêmes rigoles, les bateaux de la Cabane, il songeait au sien, à ce bateau si léger qu’il avait laissé attaché devant sa hutte.

Un jour, allant faucher sur l’ordre de sa patronne, il vit, dans un fossé qu’il suivait, passer des bandes innombrables de petits barbillons : ils venaient de la route Saint-Jean et ils allaient… Où allaient-ils, comme cela, si vite, tous ensemble ? Il fallait le savoir !… Ce jour-là, Léa Misanger attendit en vain sa batelée d’herbe ; Marivon ne revint que le lendemain matin, dans son propre bateau, remorquant celui de la Cabane.

Dès lors, il ne fallut pas beaucoup compter sur le journalier. La bonne volonté ne lui manquait pas, mais il était repris par les habitudes qui composaient toute sa vie.

Il avait trouvé un ami à la Cabane Richois en la personne de Maxime, le petit de l’endroit. Maxime ne le retenait pas à la besogne, bien au contraire ! Lorsque par chance, Marivon travaillait sans dis-