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LES GARDIENNES

Au contraire, il était un implacable ennemi des grenouilles. Il les tuait à coups de bâton et les retuait, car ce sont des bêtes lentes à mourir. La nuit, il posait sur une planche flottante une lanterne sourde et les grenouilles, pour leur malheur, sautaient sur la planche où il les raflait sans bruit. Il les pêchait aussi à la ligne, sur le coup de midi, quand elles guettaient leur proie ; il les appelait autour de lui, coassant pendant des heures à la perfection. Aux beaux jours, il en faisait commerce, portait de grands chapelets de pattes dépouillées dans des hôtels de la ville où de bons cuisiniers savaient les apprêter au goût des becs fins. Si bien que, dans tout le Marais, au nom de Marivon on ajoutait toujours le nom de Grenouillaud.

Pour tout ce qui n’était pas chasse au gibier d’eau ou pêche, Marivon se montrait d’une grande innocence. Quand la guerre éelata, il fut longtemps avant de comprendre ce qui arrivait ; et, même, l’on peut dire qu’il ne le comprit jamais bien. Il remarqua seulement que tous les maraîchins s’en allaient l’un après l’autre et ne revenaient point. Les gens qui demeuraient aux cabanes étaient inquiets, moroses et même hargneux ; plusieurs fois, on lui reprocha sa paresse, sa vie imsouciante et inutile ; des femmes de Sérigny, parlant aigrement, lui remontrèrent qu’il devait travailler comme tout le monde. Lui, voulait bien.

C’est ainsi qu’il vint à la Cabane Richois.

Léa l’avait embauché faute de mieux. Elle se disait que pour étêter un arbre, bêcher un petit