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LES GARDIENNES

les branches noires, on l’apercevait glissant silencicusement sur l’eau trouble, faisant lever les sarcelles, et vers le soir, d’immenses bandes de corbeaux.

Il chassait et pêchait à sa façon.

Il chasssit sans fusil, avec des pièges qu’il inventait. Les corbeaux étaient son gibier favori ; à la saison des nids, il détruisait beaucoup de jeunes, mais il réussissait aussi à mettre en défaut la méfiance diabolique des vieux. L’hiver, il les faisait geler, ce qui attendrissait leur chair, puis il en épuisait le suc en des soupes successives et, finalement, les utilisait en d’étonnants salmis. L’été, il les mangeait faisandés et rôtis.

Il connaissait les habitudes des poissons, leurs cachettes qui varient suivant la saison. Penché des jours entiers sur le rebord de son bateau, immobile comme une souche, il épiait les jeux insolites de chaque espèce au moment du frai. Il donnait là-dessus des renseignements sûrs aux braconniers d’eau. Ceux-ci en profitaient pour faire des pêches rapides et fructueuses ; Marivon les regardait de loin et il n’était pas content. Lui ne possédait ni épervier, ni senne, ni tramail, ni d’ailleurs aucun filet ; il péchait avee des engins bizarres qu’il fabriquait lui-même en osier ou en saule. Pour l’anguille, il se contentait de déposer aux endroits convenables de petits fagots de sarments ; mais sa plus grande joie était de prendre à la main les perches et les chevesnes, à certains moments de l’année. Il capturait les poissons nécessaires à sa subsistance ; pas un de plus.