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LES GARDIENNES

très beau, car, plusieurs fois, des messieurs du grand monde qui ont beaucoup voyagé, n’ont point caché leur admiration devant ce coin de pays.

Par malheur, en ces temps de guerre, il n’y avait point, au Marais, de messieurs à la promenade. Et, surtout, Léa n’avait point le loisir de s’attarder à sa fenêtre. En effet, elle restait seule avec un gamin de douze ans pour faire sa besogne et celle de Norbert. La belle-mère venait bien de temps en temps à la Cabane et aussi le père Claude, mais ils étaient gens de plaine, inhabiles au travail du Marais et, d’ailleurs, occupés au Paridier au delà de leurs forces.

De la Cabane Richois dépendaient à peine trois hectares de prairies et de terres légumières, en une dizaine de pièces disséminées un peu partout entre Sérigny et Saint-Jean. Cultiver trois hectares d’un sol léger en plaine ne cause pas de grands embarras ; mais trois hectares de marais, c’est une autre affaire, car on n’y peut guère employer les machines et les bêtes de somme.

Or, à la Cabane Richois, c’étaient des bras minces et faibles qui, maintenant, devaient couper l’herbe, couper le bois, entretenir les fossés et conduire les batelées par le dédale des routes d’eau. Petite, maigre, de chétive santé, la bru des Misanger ne semblait point taillée pour les durs travaux ; et, en effet, jusqu’aux jours de guerre elle s’était contentée de tenir sa maison et de veiller aux bêtes.

Maintenant, elle faisait tout et c’était miracle. Pour le comprendre il fallait regarder ses yeux braves sous le front casqué de migraine.