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LES GARDIENNES

du Paridier, mais plus agréable, en somme, plus avenante, plus propre. Comme bâtiments d’exploitation, par exemple, il n’y avait qu’une étable, une grange et un petit hangar pour les outils où l’on suspendait aussi les filets de Pêche, tramails et verveux.

Lorsque Léa s’asseyait à sa fenêtre, elle avait sous les yeux les bateaux de la maison que l’eau du Grand Canal balançait doucement et, devant elle, s’ouvrait cette conche de Saint-Jean qui est d’une beauté rare.

On voit, de chaque côté de cette conche, une double rangée d’arbres. D’abord, des frênes têtards dont les racines sortent de l’eau comme d’énormes reptiles ; lorsque le brouillard les enveloppe, on prendrait ces frênes pour des commères géantes agenouillées au bord du canal pour laver. Un peu en arrière, ce sont des peupliers au tronc lisse, poussant d’un seul jet et mêlant, à vingt mètres de hauteur, leurs branches souples. À la belle saison, lorsque tout est pavoisé, cela fait un étrange tunnel au-dessus de l’eau immobile et noire. La lumière du soleil, tombant sur cet opulent feuillage, est filtrée et teinte ; il ne pénètre sous la voûte qu’une légère brume d’or vert. Par instants, de subtils rayons réussissent pourtant à se faire droit passage, mais ils sont instables, fugitifs, à la merci de l’agilité des feuilles ; le moindre souffle d’air les rompt, les effiloche et suffit à tout brouiller.

Il y a, dans le Marais, des centaines de canaux semblables ; et l’on a bien le droit de dire que c’est