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LES GARDIENNES

tard. Sa mère se dirigeant vers la porte, elle demanda encore une fois, en s’essuyant les yeux :

— Voire pied est-il guéri ?

— Au contraire, répondit la Misangère, il me fait bien mal ; mais sois tranquille : demain matin je viendrai quand même.

Et elle s’en alla dans la nuit commençante, boitant beaucoup.

Elle avait traversé Sérigny et remontait vers Chàteau-Gallé quand le bruit d’une voiture la fit se ranger sur le bord de la route, Elle pensa :

— C’est le petit Ravisé qui n’a pas encore fini sa tournée ; il mène le pain à ceux de la plaine.

Mais la voiture venait avec une vitesse inusitée et il n’y avait personne sur le siège. Inquiète, la Misanpère s’arrêta. Le cheval passa au galop en hennissant, grande bête folle à la tête dressée et dont le museau semblait ricaner. Les roues firent voler des pierres.

La Misangère jeta un cri : accroché des deux mains à l’arrière de la voiture, Lucien se laissait ermporter, jambes traînantes !

Par bonheur le cheval ralentit son allure à mi-côte. Alors l’enfant réussit à se redresser, reprit pied ; d’un grand effort, il se souleva à la force des poignets et, s’aidant de ses coudes, de ses genoux, mordant même dans la bâche relevée, il se hissa sur le siège. Debout, il saisit les rênes et brandit son fouet. Le cheval, cinglé, riposta en ruant ; à plusieurs reprises ses sabots firent sonner la caisse de la voiture.