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LES GARDIENNES

l’ordre de vendre les bêtes ? Il a dû écrire aujourd’hui : qu’est-ce qu’il marque ?

— Clovis ? il me tourmente pour le renouvellement du bail… Mais je ne veux pas ! je ne veux pas ! À la Saint-Georges je ne serai plus au Paridier… En ce moment, au lieu de gagner, on perd, vous le savez bien ! On dépense son argent et on se tue…

— Tu ne me fais pas encore pitié ! dit la mère ; tu as bonne mine… J’en connais de plus faibles que toi et qui sont beaucoup plus à plaindre : cependant, elles ne fléchissent pas comme tu fais.

La jeune femme, énervée, éclata en sanglots.

— Mais enfin, je n’en puis plus ! Ce n’est pas une vie !

— Sèche tes larmes ! dit la mère ; elles m’agacent… Il n’y a que des créatures au cœur mou pour s’apitoyer de la sorte sur leur propre misère.

Elle continua et le ton de sa voix montait :

— Ah ! tu veux quitter le Paridier ! Tu veux te rétirer chez moi, vivre rentière en ma maison !… Eh bien ! sache-le tout de suite : si tu ne marches pas sur ton chemin, si tu abandonnes la place d’honneur où tu es, tu iras où tu voudras, mais tu ne franchiras pae mon seuil ! Ma fille, il n’y a pas de place sous mon toit pour les lâches !

Le mot tomba comme une gifle. Solange, assise devant la table, pleurait, la tête cachée entre ses bras. Elle se plaignit.

— Mère, vous êtes dure, vous êtes injuste ! mon père comprend mieux les choses que vous… Vous