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LES GARDIENNES

de certaines heures, Solange lui causait de l’inquiétude. Puis, la belle-mère, de caractère haut, se heurtant à la rudesse du gendre, il avait fallu se séparer. Les anciens avaient eu la sagesse de se retirer avant que cela devint vilain ; ils avaient cédé au jeune couple cette ferme du Paridier où ils s’étaient usés à travailler dans la force de leur âge et qu’ils avaient faite prospère : cent soixante boisselées d’une plaine un peu sèche mais grenante, un cheptel en bon état et un outillage où rien ne clochait.

Et, peu à peu, à voir travailler le gendre, la Misangère avait conçu quelque estime pour cet homme qui ne ménageait ni sa peine, ni celle des autres. Depuis qu’il était à la guerre, Clovis, par toutes ses lettres, donnait des ordres, s’informait de l’état de ses bêtes ou du rendement probable des récoltes.

Solange n’était pas de même bois. Se débattant au milieu de difficultés réelles, d’ailleurs, elle eût volontiers abandonné la ferme. Elle trouvait son père à côté d’elle pour approuver ses raisons.

Cette fois, la crise avait été brusque et la jeune femme paraissait décidée à en finir. Elle parla la première avec une hardiesse agressive dont elle n’était pas coutumière,

— Vous savez, dit-elle, que je suis au bout… Je ne peux plus me faire obéir des valets… tout retombe sur moi. Je vends ; c’est bien décidé !… Pour une fois, c’est moi seule qui commande…

— Non ! ce n’est ni toi, ni moi, ni ton père… C’est Clovis qui commande ici ! Est-ce lui qui a donné