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LES GARDIENNES

ailleurs ; je ne veux pas faire le travail de tout le monde.

— Non ? tu dis non ! Tu refuses ton aide à ces malheureuses !… Alors, fais ton compte ! demain matin, tu passeras à Château-Gallé : c’est moi qui te paierai.

Elle alluma ane chandelle, planta son regard dans les yeux de l’homme.

— Je te donne deux minutes pour te décider : pas plus.

Le valet recula, la tête basse. Il gagna la porte en jurant et, dans le courtil, ses sabots traînèrent.

— Hâte-toi ! lui cria la Misangère.

Cela le fit sursauter ; il plia les reins comme un cheval fouetté et, sans plus rien dire, il s’en alla vers Sérigny, dompté pour cette fois encore.

Ayant couché son enfant, Solange revenait. Elle parut gênée par la lumière.

Elle était grande et belle comme sa mère, avec un teint frais dont elle prenait grand soin et qu’elle savait préserver. Dans son regard glissant, dans son allure balancée, il y avait une nonchalance inquiétante, quelque chose d’indécis et de trouble. Pourtant, sur sa conduite, on n’avait en somme, jusqu’à présent, jamais rien dit ; accueillante à tous, elle avait même bonne réputation d’amabilité.

À vingt ans, elle s’était marée avec ce Clovis Berland, un fort garçon un peu fruste. Bien que l’homme ne lui convint qu’à moitié, la Misangère avait donné sans difficulté son consentement car, à