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LES GARDIENNES

à présent, en aucune façon, je n’ai besoin de votre charité !… Gardez votre argent, madame Misanger ! J’ai mon dû !

Et elle s’en alla, la tête haute, sans se retourner, marchant d’un pas sûr.

La Misangère la regardait s’éloigner. Elle pensa la rappeler, fit un mouvement pour la suivre, puis elle s’arrêta, tremblante, bouleversée… Tout vacillait en elle ; sur son visage gris, la grise lumière du jour semblait frémir.

La pensée de justice assiégeait son âme, mais, en même temps, elle se représentait, avec une vivacité cruelle, le désarroi des siens si elle parlait…

Une minute peut-être elle balança : puis, lentement, elle se détourna et reprit le chemin de Chàteau-Gallé.

La Grande Hortense marchait d’une allure très lasse et se penchait en avant… Elle était, à présent une vieille femme dont les jeunes, bientôt, souriraient mais que personne ne plaindrait jamais beaucoup, à cause de sa réputation de dureté.

Arrivée au seuil de sa maison, elle s’arrêta et s’adossa au mur, près de la porte. Ses regards flottèrent un moment dans le vague de l’air, puis ils firent le tour de l’étroit horizon, se posèrent sur les toits aigus du Paridier, sur les peupliers du Marais, suivirent jusqu’au ciel la montée d’une fumée blanche au-dessus du four des Ravisé.

Ses regards cherchaient les témoignages du bonheur des siens. Ce bonheur était l’œuvre maî-