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LES GARDIENNES

Son corset desserré, elle poussa un soupir de soulagement, puis elle releva la tête. La Misangère était sur la route, immobile, à quinze pas d’elle et la regardait !

Francine reprit sa boîte et, sans crainte, s’avança ; personne ne l’intimidait plus. Elle leva les yeux franchement vers son ancienne patronne. Celle-ci ne bougeait pas ; la plus grande émotion se lisait sur son visage.

Ayant donné le bonjour sur un ton indifférent, Francine passait… Mais l’autre dit :

— Francine, j’aurais à te parler… ne veux-tu point m’écouter ?

La servante s’arrêta, étonnée. La Misangère la regarda avidement et n’eut plus de doute ; elle balbutia :

— Où vas-tu, malheureuse ?… malheureuse !…

Francine pâlit, se sentant devinée. Dans un redressement de tout son être, elle fit front :

— Malheureuse !… pourquoi suis-je plus malheureuse qu’une autre ? Ai-je besoin d’implorer la pitié de quelqu’un ? Où je vais, je saurai me tirer d’affaire. On peut manger du pain ailleurs que chez vous.

Elle continua, un peu agressive :

— Où je vais, on ne me chassera peut-être pas sans raisons ! On ne lancera peut-être pas contre moi de laides accusations, comme on l’a fait ici. Oui ! en votre pays, madame Misanger, il s’est trouvé quelqu’un que vous connaissez bien sans doute, pour jeter sur moi la honte !… Quand j’ai