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LES GARDIENNES

La Misangère sembla n’avoir rien entendu. Elle s’approcha de son fourneau potager et, penchée, souffla sur la braise. Marguerite s’étant levée pour l’aider, elle la ramena doucement à sa place, à côté de son fiancé.

— C’est mon plaisir, dit-elle, de vous voir tous assis à ma table et de vous servir. Ce jour est beau qui rassemble autour de moi ceux qui me restent.

Elle apporta la soupière et dit encore :

— Mangez en paix, pauvres qui avez eu tant de peines !

Puis elle s’occupa de sa cuisine sans se mêler davantage à la conversation.

Les hommes parlèrent de la guerre, pour commencer. Ravisé, par droit d’âge, n’avait pas combattu ; travaillant de son métier à l’arrière des armées, il n’avait pu voir grand’chose. Pour Clovis et les deux frères, il en allait différemment. Ils en avaient long à dire, et chacun, écoutant les autres ne s’en laissait pas conter.

Norbert avait fait toute la campagne avec les jeunes d’active, se trouvant toujours au bon endroit quand il fallait donner un coup. Georges, lui, était allé au pays d’Italie ; il avait combattu ensuite avec des Anglais, des Américains, des noirs, des blancs, des jaunes et des bronzés… Et ses blessures, né comptaient-elles pour rien ?

Clovis fauchait leur gloire.

— La bataille ? Je connais ça aussi bien que vous… Mais crever de misère dans les camps de représailles, vous faites-vous seulement une idée de ce que cela