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LES GARDIENNES

avec une attention particulière, ses regards se posaient sur les belles étendues de blé où les tiges rigides, d’un vert pâle, perçaient la terre commeune chevelure rase et drue.

— Ici, disait la Misangère, nous avions des betteraves … semé tard, le grain travaille encore… La voisine des Alleuds s’est acheté un semoir et nous l’a prêté. Acheter un semoir, c’est faire une économie : il y faudra penser…

Clovis regardait. Une émotion silencieuse et vaste tremblait en sa poitrine. Et c’étaient, ensemble fondues et se renforçant, la joie de la liberté, la joie du bien-être après d’étonnantes misères, mais aussi la joie de retrouver son pays, de retrouver l’amitié des siens et encore la joie virile et qui passait son espoir de reprendre sa tâche en belles conditions, d’un cœur ardent, avec des bras toujours vigoureux.

Clovis, immobile, ne disait rien. Il pleurait…

Un sanglot profond, qu’il ne put retenir, secoua sa haute et rude carcasse.

La Misangère aussi s’était tue : en son âme se levait la grande joie d’orgueil.

Dès le lendemain, ils se heurtèrent : Solange avait déjà parlé…

Le gendre commença par remercier.

— Vous avez travaillé chez moi, dit-il et, je m’en doute, travaillé beaucoup. La mollesse n’est point votre défaut ! Je suis donc endetté envers vous pour l’aide que vos bras ont apportée !…