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LES GARDIENNES

et le jeu de ses mâchoires faisait remuer jusqu’aux cornes de son bonnet de soldat.

La Misangère lui versa du vin. Il s’arrêta pour vider son verre et dit à mi-voix :

— Vingt dieux !

— Il ya donc longtemps que vous n’aviez mangé ? demanda la belle-mère.

La bouche pleine, il secoua la tête, puis répondit du mieux qu’il put :

— Il n’y a que trois ou quatre heures… pas plus !

Un moment après, attirant à lui l’omelette, il acheva sa pensée :

— J’ai toujours désir de manger… Je n’ai que du vent dans l’intérieur.

Quand il fut un peu rassasié, il regarda autour de lui plus attentivement. Par la fenêtre, il aperçut Christophe qui sortait de l’étable avec deux bœufs enjugués. À ce moment, Solange disait :

— Tu n’as pas bonne mine… tu as beaucoup maigri.

Il répondit :

— Ne t’inquiète pas : le coffre est bon,

Puis, tout aussitôt, il demanda, les yeux tournés vers le valet :

— Où va-t-il, celui-ci ?

— Il mène le tombereau au champ des Crépelles, pour les topinambours, dit la Misangère.

— Ah ! Les bœufs sont en état ; vous avez dû piquer dans le foin !

— Non ! pas trop… Jusqu’à présent, le fourrage n’a pas manqué ; les betteraves étaient belles.