Page:Pérochon - Les Gardiennes (1924).djvu/292

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
280
LES GARDIENNES

convenable et de dire son mot alors qu’on ne lui demandait rien. Miraine lui en fit un jour l’observation, lui prédisant qu’elle s’attirerait ainsi des ennuis. Mais Francine avait perdu beaucoup de sa timidité…

Sa seule crainte, à présent, était de rencontrer la personne méfiante et rusée qui découvrirait son état. Elle redoublait de précautions, soignait son visage, se serrait la taille. À mesure que le temps passait cela devenait de plus en plus pénible. Sa douleur, à elle, ne comptait pas, mais l’idée qu’elle pouvait ainsi causer tort à son enfant lui était un grand tourment. Pourtant il lui fallait bien demeurer à Saint-Jean jusqu’aux dernières semaines de décembre. Elle attendait cette date de liberté avec impatience, avec une sorte de fièvre joyeuse. Sa santé, par bonheur, se maintenait satisfaisante.

Le trousseau était prêt mais elle Y travaillait encore pour l’enjoliver et l’enrichir. Sévèrement économe, elle fit cependant pour ce trousseau des dépenses folles.

Elle vivait en continuelles rêveries de belle espérance. Son esprit revenait rarement en arrière vers les années de triste solitude ; et, de même, le souvenir des rapides heures d’amour ne lui apportait plus son amertume et son trouble.

Dire qu’elle pardonnait à Georges, ce serait un peu trop : elle se souvenait des mauvaises paroles qui avaient fait si soudaine blessure. Mais dire qu’elle lui gardait une noire rancune, qu’elle le détestait à mort pour sa trahison, voilà qui serait un gros mensonge.