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LES GARDIENNES

— Votre pied va donc beaucoup mieux que vous avez pu venir jusqu’ici ?

La mère dit :

— Vous soupez de bonne heure, aujourd’hui ! C’est-il que votre foin est rentré ?

Antoine, le premier valet, se risqua à rire, mais la Misangère s’étant détournée vers lui, il s’arrêta court.

Solange avait pris son enfant dans ses bras ; elle dit, sans regarder sa mère :

— Vous savez ce qui est arrivé ? Père a dû vous expliquer.

— Oui… oui… Va de l’autre côté, coucher le petit. Tout à l’heure, j’aurai à te parler.

Elle montrait la porte du corridor ; Solange obéit.

La Misangère, alors, se tourna vers les valets. Ils étaient deux. L’un, Antoine le Boiteux, homme de quarante ans passés, ouvrier médiocre et dont la réputation laissait à désirer, avait plus d’une fois, avant la guerre, éprouvé de la difficulté à s’embaucher ; maintenant, l’absence des hommes valides lui faisait sa place et il parlait haut quand Hortense n’était pas au Paridier. L’autre, un tout jeune garçon à peu près stupide, subissait l’influence du premier : il riait avec lui, grognait avec lui, sabotait le travail comme lui.

La Misangère s’adressa d’abord au jeune :

— Christophe ! dit-elle, cours vite au pré Buffier et ramène les bêtes.

— Vous lui donnerez bien le temps d’achever son souper ! observa Antoine.