Page:Pérochon - Les Gardiennes (1924).djvu/285

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
273
LES GARDIENNES

VI


Miraine décida, vers la fin de l’été, d’abandonner sa ferme. Une maraîchine d’un village voisin reprenait le bail avec une forte enchère et réservait même, contre bel argent déjà compté, part importante du cheptel. Avant la guerre, cette maraîchine cultivait avec son mari — brave homme mais sans nulle ambition — quelques parcelles de prairies et, seulement, un tout petit carré de plaine. L’homme parti, la femme qui visait plus haut avait tiré ses plans à sa guise, hardiment. Dans le désarroi des premiers moments elle avait acheté des bêtes à très bas prix et fait cultiver des champs restés en friche, Intrigante, guettant les nouveautés, elle s’était engagée en plus d’un trafic et, favorisée par la hausse constante, elle se trouvait maintenant à niveau d’aisance. Mais elle prétendait ne point en rester là. Comprenant que la guerre allait finir, pour faire fête à son mari, pour l’étonner, un peu aussi pour prendre définitivement le pas devant lui, elle avait donc décidé cette installation au pays renommé de Saint-Jean dans une belle ferme.

Miraine en profita. Elle se rétirerait sur un petit bien qu’elle avait et dont l’exploitation suffirait