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LES GARDIENNES

Prudent, il s’était bien gardé de répondre, mais, sans bruit, sans hâte aussi, il arrivait à la découverte.

Il s’approcha, par un fossé, entre des arbres qui le cachaient : constatant qu’il n’y avait pas de danger pour lui, il descendit sur le pré, par mouvements lents et silencieux, comme il faisait quand il voulait surprendre les jeux des bêtes sauvages.

— Qui es-tu, toi qui cries au perdu ?

Francine, comme une folle, courut vers lui. Il rompit aussitôt, craignant une surprise ; mais, déjà, l’ayant reconnu, elle s’accrochait à son bras, riait et pleurait en même temps.

— Emmenez-moi, Marivon !… Je me suis égarée… Conduisez-moi à Saint-Jean chez Miraine !

Sans rien lui dire, il la mena à son bateau, la fit asseoir et reprit sa rame à l’arrière. Ils voyagèrent en silence, un petit moment, par des fossés très sombres, puis débouchèrent dans une conche assez large où tombait la clarté de la lune. Alors Marivon demanda :

— Quoi que tu pensais donc… à crier comme ça ?

— Je vous l’ai dit : j’étais perdue…

Il hocha la tête d’un air incrédule, sembla songer profondément. Ce n’était pas la première fois qu’on lui tenait pareil propos, mais on l’avait si souvent engeigné qu’il se méfiait. Que l’on pût s’égarer dans ce Marais dont lui, Marivon, connaissait tous les fossés, tous les arbres, cela lui paraissait un peu fort et comique !

Il répéta :