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LES GARDIENNES

nantes, du brouillard cauteleux et froid, de l’eau surtout, de l’eau perfide et que l’on ne voyait pas. À présent, les roseaux remuaient, des bêtes maraudeuses fuyaient ou plongeaient et le battement des ailes invisibles avait recommencé dans les hautes branches.

Francine eria :

— À l’aide ! à moi ! je suis perdue !

Mais la peur la tenait à la gorge et l’étranglait. À chaque mouvement qu’elle faisait, elle sentait le bateau danser sur l’eau profonde. Vainement, elle essaya de détacher à l’arrière la planche du siège, avec laquelle elle eût pu ramer ; ses doigts s’y ensanglantèrent.

Le bateau, cependant tournait ; repoussant l’eau de ses deux mains, tirant sur les herbes flottantes, Francine réussit à le faire avancer jusqu’aux roseaux de la berge. Dans sa hâte de mettre pied à terre, elle s’embourba profondément, voulut se dégager, roula sur l’herbe.

Sortie du couvert des arbres, elle se mit à crier entre ses mains jointes pour jeter sa voix plus loin.

— À l’aide ! à l’aide !

Puis, retenant son souflle, elle écouta. Il lui sembla bien entendre un clapotement régulier, comme le bruit assourdi d’une rame battant l’eau, mais nulle voix humaine…

Elle sanglota tout haut, désespérément.

Quelqu’un pourtant venait vers elle. Marivon, qui pêchait en ces parages, avait entendu ses cris.