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LES GARDIENNES

cines et durement fouettée par les basses branches.

Enfin, elle déboucha dans une clairière d’eau où semblait dormir une lumière vague et blème. De très hauts peupliers environnaient cette clairière. Quelques branches craquèrent ; il y eut des remous de brouillard parmi les cimes invisibles. Et puis, ce fut, tout à coup, comme une palpitation immense : des milliers d’ailes battirent à la fois.

Francine pensa :

— C’est ici le carrefour aux corbeaux… Je suis done au bout de la Belle Rigole. Le paradis de chez nous doit être de ce côté ainsi que la hutte aux roseaux.

Pour découvrir cette hutte et mettre son bateau en bonne direction elle entreprit de faire le tour de la clairière. Elle le fit deux fois, trois fois, vainement : elle ne trouva ni la hutte, ni les arbres du paradis ni l’entrée de la Rigole, ni rien de connu.

Alors elle comprit qu’elle s’était égarée tout à fait et que, si l’on ne venait pas à sa recherche, la nuit passerait sans doute sans qu’elle pût rejoindre la maison de Miraine.

Elle n’en fut pas autrement troublée ; elle avait trop souffert, elle souffrait trop… tout lui était égal à présent.

Cependant, elle voulut encore essayer de reconnaître le point du Marais où elle se trouvait ; elle plongea sa rame pour mesurer l’épaisseur de l’eau, mais n’atteignit pas le fond. Comme elle se redressait, la rame, tenue du bout des doigts, lui échappa. Elle ne put la rattraper…