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LES GARDIENNES

vers les cimes émues de vent. La nuit prompte prenait le Marais ; et Francine allait toujours, droit devant elle.

Soudain, le bateau s’arrêta. Francine, voulant donner un bon coup pour le faire avancer ne trouva que la vase. Alors elle se leva et regarda autour d’elle avec étonnement, comme une qui se réveille, Elle ne distingua rien, que des branches au-dessus de sa tête et, de chaque côté du bateau, tout près, un fouillis de roseaux et de hautes herbes. Sans doute, elle n’était plus dans la conche ; elle avait dû tourner par un petit fossé négligé des riverains et où les bateaux ne passaient plus.

« Les herbes d’eau envahissent tout… Le Marais s’envase… »

Les paroles de Georges revinrent à ses lèvres et, en même temps, la douleur s’éveilla en son cœur et fut insupportable.

Attirant à elle les roseaux du bord, elle dégagea son bateau, le ramena en arrière. Elle pensait ainsi regagner la conche et bientôt, en effet, le bateau flotta en eau profonde ; mais le peu que distinguait Francine à travers la brume ne lui permit pas de reconnaître sûrement son chemin.

Elle continua de pagayer, suivit d’abord un canal assez large mais fort irrégulier, puis, sans qu’elle pût comprendre comment cela s’était fait, elle se trouva engagée dans un dédale de fossés où une obscurité à peu près complète régnait.

Longtemps elle erra à l’aventure, sans rien voir, échouant dans les roselières, se heurtant aux ra-