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LES GARDIENNES

ne te vante pas de lui avoir fait accueil, de l’avoir tenue de trop près, en camarade ! car c’est une malheureuse de cœur bas !

Il ajouta durement avec une sorte de rancune :

— Les filles de son espèce ont déshonoré notre pays depuis le commencement de la guerre. Elle est de celles qui passent mal leur temps en compagnie d’inutiles embusqués. Cette fille ! une coureuse de grand chemin… Elle se met en débauche avec les Américains qui sont ici.

Marguerite dut le regarder d’un air surpris, car il continua ainsi :

— Je suis sûr de ce que je dis ! Je ne l’aurais pas cru au premier moment, mais il m’a été donné d’en avoir la preuve… la preuve !

Le bateau avait complètement tourné ; du bout de sa rame, prenant appui sur les roseaux, Georges le replaça dans la bonne direction. Puis, pour changer les idées de la petite, il fit des remarques sur le mauvais état des routes d’eau,

— Les fossés s’envasent, disait-il : bientôt, à de certains endroits, on ne pourra plus passer… Vois ! les herbes envahissent tout.

Marguerite se pencha un peu.

— Ici, dit-elle, il y a bien des herbes mais la profondeur ne manque pas.

— Parbleu ! nous sommes sur le Grand Canal ! D’ailleurs, au Marais, les bons endroits pour se noyer ne sont pas rares encore.

Marguerite se redressa avec un petit frisson et s’accrocha au bras de Georges. Il se mit à plaisanter