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LES GARDIENNES

où le bruit était si grand que l’on croyait entendre hurler toute la terre.

Georges, un jour, s’était trouvé à l’hôpital, à démi fou, les jambes brisées, faible à ce point qu’il ne sentait presque plus son mal.

Il y avait de cela, deux mois à peine ; maintenant, à cause du mauvais coup que les ennemis lui avaient donné, la guerre était finie pour lui.

Sa guérison s’achevait au pays calme dans la douceur d’aimer. Les heures passées au milieu des combats lui apparaissaient parfois comme un étrange et mauvais rêve ; et, de même cette courte folie de jeunesse qui l’avait jeté aux bras hasardeux d’une passante inconnue. À tout cela, qui était à peine concevable maintenant, qui était pénible, triste et laid, il valait mieux ne plus penser.

Et vraiment, il n’y pensait pas, un soir radieux de septembre, en revenant de porter sur le bateau des Ravisé, le pain aux Cabanes lointaines. Il ne pensait qu’à Marguerite qui, sortie après lui pour une course, devait l’attendre sur le chemin de halage au bord du Grand Canal.

À l’endroit convenu, elle l’attendait en effet. Poussant des cris légers de crainte et de joie, elle descendit sur le bateau qui dansait un peu.

Non loin de là, Francine attendait aussi.

Après avoir longuement hésité, elle avait pris soudain ce parti de grande hardiesse. Seule au paradis des Mirain, elle avait abandonné sa besogne pour s’en venir guetter Georges à la lisière du Marais.