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LES GARDIENNES

Pour se donner un peu de joie, la Misangère souvent passait à la boulangerie où elle demeurait quelques minutes, à regarder les jeunes gens,

— Mère, disait parfois Georges, vous avez mauvaise mine ; vous prenez trop de soucis.

Elle souriait ; une ardeur nouvelle animait sa face vieille :

— Ne t’inquiète pas, mon enfant !

Elle partait plus allègre, en redressant la taille.

Georges et Marguerite s’aimaient d’amour joli. Certes, le jeune homme avait souffert à propos de Francine ! Croyant cette fille traîtresse et de mauvaise conduite, il avait eu, pendant quelques jours, le cœur déchiré. Il s’était mis en colère aussi ! Les lettres suppliantes qu’elle lui avait adressées et les pauvres colis, tout cela il l’avait refusé, dédaigneusement. Et sa pensée tout entière s’était reportée vers les siens, s’était reportée avec un peu de remords vers cette gracieuse cousine au cœur franc dont la tendresse s’offrait à lui sans malice ni détours. Celle-ci, on pouvait s’accorder avec elle en toute sécurité ; sa vie était claire comme ses yeux et dans la vie de ses parents, il n’y avait rien de louche non plus, rien d’inconnu. Tout de suite après sa permission, l’âme encore orageuse, Georges lui avait envoyé de longues lettres de gentille amitié ; lettres lues avec joie au pays de Sérigny.

Puis de grands combats avaient commencé, une mêlée furieuse où des soldats de tous les pays du monde poussaient de l’avant comme des démons,