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LES GARDIENNES

Francine dit à voix basse :

— Du moment qu’il en aime une autre…

Mais le vieil employé fit un grand geste de sa main maigre comme pour renverser cette pitoyable raison.

— S’il vous plaît, ma fille, parlons sérieusement ! Vous n’avez plus quinze ans, vous devez regarder un peu plus loin que le bout de votre petit nez… Il n’y a pas que vous seule en jeu ! Vous m’obligez à dire les choses tout net ! Votre enfant… oui ! là !… avez-vous songé à votre enfant ? L’abandonnerez-vous ? pour qu’il soit ce que vous avez été ?

Francine releva brusquement la tête ; sa réponse jaillit :

— Cela non ! non ! jamais !

— Très bien ! mais comment arrangerez-vous votre vie ? Vous n’êtes pas la première à vous trouver dans ce cas et je sais bien, moi, comment les choses se passent, souvent… Que ferez-vous de votre enfant ?

Elle regarda l’homme bien en face avec des yeux brillants.

— Je l’élèverai ! J’ai de l’argent pour cela, beaucoup d’argent… Je travaillerai, je me priverai de tout pour qu’il soit bien… Je ne serai plus seule… C’est bien mon tour d’avoir de la compagnie ! Il portera mon nom, monsieur, et il me défendra… oui ! il me défendra !

Les derniers mots passèrent avec un frémissement passionné qui commandait le silence. La dame détourna la tête, sortit son mouchoir, à la dérobée. Le