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LES GARDIENNES

dans un pays vraiment civilisé, il devrait y avoir des prisons spéciales où l’on traiterait certains goujats selon leur mérite.

Se tournant vers Francine, il parla directement.

— Alors, il vous a abandonnée… carrément abandonnée… Il n’y a plus rien à faire ?

— Il se marie bientôt, répondit-elle ; il se marie avec une fille de son pays.

Il reprit d’une voix amère :

— Ce garçon-là, bien entendu, a fait comme les autres : il a cessé de vous voir dès qu’il a connu votre position.

Comme Francine baissait la tête et gardait le silence, il insista :

— C’est bien cela, n’est-ce pas ?

— Il est reparti à la guerre… et, à mes lettres, il n’a jamais répondu…

— Le lâche ! interrompit la dame.

Mais Francine continua :

— Non ! il n’est sans doute point lâche… mais ce n’est pas moi qu’il aime.

— S’il n’avait pas été lâche… quand vous lui avez écrit.

Francine baissa davantage la tête et avoua dans un souffle :

— Il n’en sait rien… personne n’en sait rien. Je ne l’ai pas dit…

Les deux autres s’étonnèrent et firent un peu de bruit. À quoi pensait-elle ? N’était-ce pas folie ? et même folie coupable. Si le garçon eût été prévenu, qui sait si sa conduite n’eût pas été toute différente ?