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LES GARDIENNES

Francine ne se fit pas prier. Sur un banc, à l’ombre d’un arbuste poussiéreux, tous les trois prirent place ; et l’homme demanda tout de suite :

— Pourquoi done n’êtes-vous pas heureuse ?

Francine répondit :

— Il m’a abandonnée !

— Tant pis pour lui ! fit-il. Ne le regrettez pas : c’est un sot !

La dame continua ainsi :

— Ce n’est pas une raison pour se désoler… À votre âge et jolie comme vous êtes, un prétendant n’est pas difficile à remplacer.

Mais en parlant sur ce ton jovial, tous les deux, à la dérobée, examinaient Francine affaissée sur le banc. Car ils avaient entendu plus d’une plainte semblable à celle-ci… Leurs regards apitoyés se eroisèrent : ils avaient la même idée.

Francine, tremblante, balbutia :

— Je comptais l’épouser… et il m’a abandonnée… et puis maintenant…

Alors les deux autres parlèrent en même temps :

— Oui… oui… ma pauvre enfant !

Il y eut un silence assez long. Le vieil employé serrait l’une dans l’autre ses mains dont les jointures craquaient comme du bois sec. Il se mit à jurer à mi-voix, durement par le tonnerre et les sacrés noms. La dame protesta :

— Oh ! Edgard !

Mais il n’en continua pas moins à serrer les mâchoires et à médire tout bas contre de sales lâchetés qui se renouvelaient trop souvent ; il estimait que,