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LES GARDIENNES

— Eh bien, répliqua l’autre, c’est tout le contraire ici !… Et pourtant, la maison n’est pas gaie !…

Ayant ainsi parlé, elle murmura :

— Attrape, la Grande Hortense !

La Misangère s’en alla là-dessus, non point fâchée, mais heureuse au contraire et comme rajeunie.

Elle était encore en vue de Saint-Jean, sur la route d’eau qui va vers Sérigny, lorsqu’elle aperçut Francine qui revenait par un fossé de traverse. La Misangère laissa glisser son bateau près de la berge ; de là, elle observa.

Francine pagayait lentement et semblait plongée en de tristes réflexions. Passant dans un rais de lumière, elle leva un peu la tête et son visage apparut, un pauvre visage marqué par la douleur… Puis elle disparut derrière une rangée d’arbres aux têtes basses et feuillues.

La Misangère continua son chemin ; elle songeait :

— Je ne l’ai vue que de loin pendant une demi-minute peut-être… Je l’ai très mal vue. Elle paraît un peu pâle, mais le Marais est malsain pour ceux qui n’ont pas l’habitude d’y vivre. Et puis elle a dû beaucoup travailler ; elle est sans doute lasse, tout simplement. Si elle était si triste, on le saurait bien ! Pourquoi Maxime, pourquoi Miraine m’auraient-ils menti ?

Elle se donnait toutes ces mauvaises raisons pour éloigner ses doutes, pour chasser son remords en un moment qui, pour elle, était grave et beau. Car Georges allait revenir !… revenir abimé par sa blessure, avec une jambe qui demeurerait traînante,