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LES GARDIENNES

pour plusieurs raisons dont la moindre n’était pas celle d’économie.

En effet, elle était reprise par les soucis d’argent. Bien passé le temps où elle égarait cent francs dans le courtil ! Redevenue fort regardante elle n’achetait rien, serrait précieusemént sa fortune ; à la fin de chaque mois, elle fermait sa main avec un frémissement de plaisir sur l’argent de son gage et ne faisait nulles façons pour accepter les quelques sous qu’on lui offrait en plus, en récompense de ses bons services. Son livret de Caisse d’Épargne ayant produit de beaux intérêts, elle les plaça aussitôt en Bons du Gouvernement.

Dans la crainte d’être renvoyée, elle faisait l’impossible pour dissimuler son état. Elle revit son corset, le renforça, prit l’habitude de porter de longs sarraus qui l’enveloppaient toute. Pour plus tard, elle prépara à l’avance de bonnes ruses. Se voyant pâle, elle exposait de son mieux son visage au hâle ; elle mangeait beaucoup, non seulement aux repas, mais en cachette, luttant avec courage contre les nausées.

Il lui fallait montrer à tous le visage calme et souriant d’une jeune fille dont les soucis ne sont pas grands. On ne la voyait pas souvent par les rues du village ; cependant, elle ne se cachait point. En allant au travail, quand son bateau croisait celui d’une maraîchine bavarde ou d’un voisin facétieux, elle savait répondre comme il convenait.

Maxime, assez souvent, venait du côté de Saint-Jean, Avec lui, surtout, Francine se montrait d’hu-