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LES GARDIENNES

coupés ; elle obtint une petite chose devant laquelle elle sourit. À la réflexion, elle n’en fut pas du tout contente et recommença. Quand elle eut fini, sa bougie tout entière était consumée. Les bougies coûtaient cher. Le lendemain, craignant les remontrances de sa patronne, elle s’acheta tout ce qu’il fallait pour s’éclairer selon ses besoins.

Elle prit l’habitude de travailler ainsi un moment chaque nuit. Pour ne pas attirer l’attention, elle se couchait bien en même temps que les autres ou à peu près, mais, le premier somme fait, quand toute la maison reposait, elle rallumait sa bougie ; derrière un rideau tendu qui masquait la lumière, elle taillait, cousait, tricotait.

Bientôt, elle eut, caché au fond de son armoire, entre ses vêtements, un trousseau d’enfant, à peu près complet.

Alors, malgré le grand travail, malgré la tristesse de sa position, malgré l’angoisse de l’avenir incertain, elle s’aperçut que le temps coulait avec rapidité. Songeant à ce que serait sa vie aux jours proches où il lui faudrait quitter sa condition, la peur la glaçait parfois ; mais à de meilleurs moments elle murmurait :

Qu’allons-nous devenir ?

Et alors sa frayeur faisait place à une fièvre étrange, à une sorte d’allégresse obscure et tremblante.

Elle ne savait pas encore précisément ce qu’elle ferait ; il lui restait du temps pour se décider. En attendant, il lui fallait demeurer chez sa patronne,