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LES GARDIENNES

reconnaissait à peine, qui l’entendait mal, mais dont le cœur simple et bon lui semblait proche de toute souffrance.

— Oui, sœur Angélique, j’ai péché… oui, c’est moi, Francine Riant… Je vous avais dit que j’allais me marier ; c’est bien moi… J’avais un ami… Auparavant jamais, non ! jamais personne ne s’était inquiété de moi ! jamais personne ne m’avait regardée seulement !… J’étais seule sur la terre… Ah ! que j’ai eu froid ! Oui, ma sœur ! déjà, lorsque j’étais toute petite, j’avais froid… J’ai toujours eu froid, toujours !… Mes patronnes n’étaient pas méchantes, je ne dis pas eela… et le travail ne m’a jamais fait peur… mais je ne pouvais pas, cependant, m’habituer chez elles ; je les quittais, je m’en allais, comme cela… Je ne peux pas bien expliquer… J’étais comme une passante en pays étranger, une passante que personne ne voulait reconnaître… une fille de l’Assistance… Je ne me plaignais pas, je ne pleurais pas… je savais bien que mon sort devait être celui d’une malheureuse… Mais il m’est arrivé une grande aventure !… C’est comme un conte, ma sœur… L’an passé, dans un pays, un beau pays où je me plaisais, j’avais un ami. Je ne vous ai pas dit son nom ? C’est Georges Misanger… il combat aux frontières françaises… Il est venu en permission deux fois… deux fois seulement… Mais je comptais l’épouser ; j’étais sûre de l’épouser… L’argent ne me manquait pas pour notre ménage et, du linge, j’en avais acheté !…

Elle se pencha, la figure toute cachée, jus-