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LES GARDIENNES

Ils avaient, l’un cinq ans, l’autre huit ; tous les deux, semblait-il, incapables de se faire une idée juste du malheur qui les frappait. Et, en effet, ils ne comprenaient point ; quand ils étaient seuls, ils s’ébattaient innocemment, gambadaient avec l’insouciance de leur âge. Mais, dès que leur mère laissait voir son chagrin, ce qui arrivait souvent, ils abandonnaient tout pour accourir auprès d’elle.

L’aîné, à ces moments-là, cherchait à se rendre utile, relevait l’outil que Miraine avait laissé tomber. Le petit, lui, jetait ses bras au cou de sa mère ; ses mains caressaient les joues mouillées ; du bout de son doigt, il essayait de fermer les yeux d’où coulaient les larmes. Et si quelque étranger se trouvait là, l’enfant se retournait, hérissé, prêt à se battre.

La Miraine murmurait :

— Dieu notre Seigneur ! mon malheur pourrait être plus grand… Avec ces deux, s’ils ne changent pas, je ne serai jamais seule ; ma vie aura son soutien.

Francine, à ces paroles, ne manquait jamais de tressaillir. Dans la nuit de son cœur un peu de tiédeur entrait, comme un rayon de soleil dans un épais brouillard d’hiver ; et elle osait, pendant un moment, regarder l’avenir.

Chez Miraine, elle avait retrouvé ses habitudes pieuses. Chaque soir, elle s’agenouillait avec les autres, et souvent sa voix guidait la voix indécise des enfants. Elle eût aimé aller à l’église mais il eût fallu pour cela se rendre à Sérigny car Saint-Jean n’était pas une paroisse.