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LES GARDIENNES

même si fort, un jour, que la Misangère atteinte à la tempe, tomba, étourdie,

Quelques voisins qu’on ne put empêcher d’entrer furent témoins de ces scènes pénibles et le bruit s’en répandit. Comme chacun connaissait les circonstances de l’accident, et comme la Grande Hortense n’avait pas réputation de douceur, il ne se trouva personne pour la plaindre.

Le père Claude mourut au bout d’une quinzaine, après une laide agonie. Norbert put arriver à temps pour le conduire au cimetière ; Georges, au contraire, ne vint pas et n’écrivit pas non plus.

À cause du grand travail, peu de gens valides suivirent le cortège. La Misangère sentit peser sur elle des regards malveillants. Des vieux, après la cérémonie, rappelant la vie du défunt et ses grands efforts derniers, firent entendre leur critique. Norbert, lui-même, dans son chagrin, prononça, sans y prendre garde, des paroles maladroites que Maxime retint pour s’en servir au besoin.

Le lendemain, aucune nouvelle ne vint de Georges et les jours suivants, pas davantage. Sur le front de France, où il se trouvait maintenant, d’ardentes batailles étaient engagées.

La Misangère connut alors les heures les plus noires de sa vie.

Elle était devenue fort maigre et semblait tout à fait vieille. Dans sa figure jaune, où les os faisaient durement saillie, ses yeux, profondément enfoncés, luisaient de fièvre. Aux repas elle servait les autres mais on ne la voyait point manger. Elle paraissait à bout.