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LES GARDIENNES

compagnie au père Claude, ce qui permettait à la Misangère de se joindre aux travailleurs.

Christophe avait pris de la force sans prendre beaucoup d’esprit. Mal conseillé par d’autres valets, notamment par Antoine le boîteux qu’il rencontrait à Sérigny, il montrait souvent de la mauvaise volonté. Il en coûtait à la Misangère de le ménager : elle le faisait pourtant et, pour se l’attacher, elle lui donnait de temps en temps quelque bonne pièce au lieu des coups de bâton qu’il eût mérités.

Malgré tout, le travail n’avançait pas. Il fallut aller à la mairie, demander l’aide des sursitaires d’armée, gens très occupés, tiraillés de tous les côtés et dont le désir principal était de travailler d’abord pour leur propre compte. Cela ne fut pas encore suffisant et la Misangère, bien à contre-cœur, prit le chemin de la ville afin d’obtenir une équipe de soldats. On lui offrit des prisonniers ennemis : elle refusa, revint à la charge huit jours plus tard et obtint enfin deux hommes pendant une semaine. Ces deux hommes, l’un bijoutier de son état, l’autre colporteur, firent ce qu’ils purent et ce fut peu.

Vers la mi-juillet, l’état du père Claude empira soudain. Il ne fut plus possible d’abandonner le bonhomme qui avait des crises de folie véritable. Pendant ces crises, il prenait des mines effrayées devant la Misangère, se cachant la tête, levant les bras en un geste de défense ; ou bien, au contraire, il entrait en fureur, vomissait les plus basses injures et, si l’on n’y prenait garde, frappait. Il frappa