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LES GARDIENNES

On voyait à présent Solange aux champs, travaillant sans choisir sa place, comme la plus humble servante. Et de coquetterie, il n’en fallait plus guère parler ! Sa mère avait retrouvé pour elle des corsages démodés, des jupes solides, des tabliers de grosse toile et, pour les heures de travail modéré, un rude corset.

Le soleil brûlait le teint de la belle ; les frisures dont elle entourait son front et qu’elle avait chèrement payées chez un coiffeur de la ville, elle ne les avait plus trouvées, un beau matin, dans le tiroir où elle les plaçait chaque soir avant de se coucher.

Quand elle n’allait pas aux champs, elle faisait quelque grosse besogne de femme. Ainsi, par la volonté de sa mère, elle était chargée du lavage ; et tout le linge de la famille lui passait par les mains, aussi bien celui de la Cabane que celui du Paridier ; il n’était même pas rare que la Misangère joignit à la lessive quelque paquet venant de la boulangerie.

Solange lavait le tout sans protester ; orgueilleuse, elle n’avouait point sa fatigue, mais la rancune s’amassait en son cœur,

La Misangère s’occupait elle-même du travail de la maison. Elle y passait peu de temps, simplifiait tout, même la cuisine qu’elle faisait le matin pour la journée entière.

Dans l’impossibilité de trouver une servante capable, elle avait accueilli une fillette infirme d’une douzaine d’années qu’elle nourrissait et couchait. La fillette veillait sur l’enfant de Solange et tenait