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LES GARDIENNES

Elle vint, changea le fauteuil de place et remonta sur les genoux du bonhomme une couverture qui avait glissé. Pendant qu’elle était ainsi penchée, il lui souffla à l’oreille, d’un ton espiègle :

— Hortense, c’est ta faute !

Puis il ricana amèrement.

Lorsqu’il avait le moindre éclair de raison, l’accident qui avait terminé sa vie de labeur était toujours son souvenir premier. Il ne se passait point de jour que la Misangère n’entendit de cruels reproches. Elle ne sy habituait pas, tressaillait à chaque fois sous les paroles cinglantes.

— Ose dire que ce n’est pas ta faute !… Sans ta méchanceté, je serais encore aux champs… m’y promenant comme les autres !

La Misangère se redressa, la figure blême, Solange, sur le seuil de la porte, écoutait les paroles de son père ; elle ne se permit point de sourire, mais le contentement parut cependant sur son visage narquois.

Le départ inattendu de Francine, à la fn du printemps, en période de grand travail, ne facilita point la tâche de la Misangère. Il lui fallut faire front de tous les côtés. Norbert vint en permission à ce moment-là ; l’herbe du Marais n’étant pas encore mûre, la Misangère employa son fils aîné dans la plaine où il fit belle besogne. Mais, lui parti, il fallut bien demander l’aide d’autrui.

Avant de s’y résoudre, elle exigea des siens le plus grand effort.