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LES GARDIENNES

II


Francine ne s’était pas trompée : à la boulangerie, ce matin-là, Marguerite chantait. Depuis quelque temps, ses forces semblaient revenues et toute sa gaieté. Elle accueillait les clients avec son joli sourire printarier et savait plaisanter quand il le fallait. Sa maison était en ordre, sa toilette jeune et pimpante.

Lucien, le frère, n’avait plus à se fâcher contre elle pour réveiller son courage ; c’était elle, au contraire, qui, maintenant, veillait sur lui, qui, dans les mauvais moments, s’ingéniait à le calmer, à lui donner espoir, à lui rendre la tâche attrayante et facile. Le jeune garçon, naguère épuisé, se redressait avec une vaillance nouvelle.

La clientèle était, plus que jamais, dificile à maintenir, à cause des règlements changeants et contradictoires, à cause surtout de la mauvaise qualité des farines qui ne permettait d’obtenir, malgré le plus pénible travail, qu’un pain grisâtre et gluant.

Dans les fermes de plaine, où l’on disposait de réserves clandestines, des fours s’étaient rallumés, et la boulangerie, de ce côté, avait perdu quelques pratiques. En revanche, elle en avait gagné du côté