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LES GARDIENNES

Francine savait tout cela ; elle savait aussi qu’avant les grands combats et pendant les mouvement des armées les lettres ne passaient pas. Le silence de Mirain et celui de Georges pouvaient s’expliquer ainsi ; de même que sa patronne, Francine se racerochait à cet espoir. Miraine, qui était croyante, priait, et Francine avec elle.

Mais, un matin, une lettre vint à la ferme ; le meilleur camarade du maraîchin écrivait, annonçant une blessure grave. Le lendemain, seconde lettre et, celle-ci, c’était la mort qu’elle annonçait…

Miraine eut ce cri :

— Dieu notre Seigneur !

Et elle tomba à genoux. Vinrent près d’elle ses deux enfants effarés. Elle ouvrit ses bras, les referma sur les petits et Francine l’entendit qui disait entre ses sanglots :

— Vous êtes tout ce qui me reste ! sans vous, je ne saurais plus vivre !…

Francine sortit de la maison ; ses jambes tremblaient sous elle. Immédiatement elle s’était représenté Georges, tombé, lui aussi, sur le champ de bataille. Elle le voyait véritablement, étendu sur le dos, les yeux clos, la poitrine saignante.

À partir de eet instant, elle ne put y tenir ; elle voulut savoir à tout prix… Maxime la renseignerait peut-être.

Le lendemain, sous le prétexte de porter chez la tailleuse de Sérigny un costume de deuil pour sa patronne, elle partit seule par la route d’eau, de grand matin.