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LES GARDIENNES

sa fortune. Ce n’était pas qu’elle doutât de lui le moins du monde, ni qu’elle le crût soucieux de ces questions d’argent, mais l’esprit encore tout plein des calculs qu’elle avait faits, le chiffre vint naturellement sous sa plume. Et elle ne remarqua point que cela produisait un singulier effet entre les propos d’amitié et les bons souhaits.

En même temps que la lettre, elle envoya un colis sur lequel, cette fois, elle écrivit l’adresse de son écriture ordinaire. Après ce qui s’était passé durant les quinze jours miraculeux, ses droits et devoirs lui apparaissaient comme ceux d’une épouse, ni plus mi moins. Au premier moment, son vertige de jeunesse l’avait emplie de confusion ; maintenant, elle ne regrettait plus rien, elle n’avait plus honte ; en son cœur s’épanouissait une amitié ardente et grave et vigilante, l’amitié des bonnes gardiennes pour le maître qui combattait aux frontières,

Comme elle ne recevait toujours rien, son inquiétude grandit vite ; ne pouvant confier ses alarmes à personne, elle souffrait d’autant plus.

Une chose, pourtant, la tranquillisait un peu : Mirain, non plus, n’écrivait pas. Gradé dans un régiment de canonmiers, il m’avait jamais manqué, jusqu’à présent, d’envoyer régulièrement de ses nouvelles, car c’était un homme fort exact. Or sa dernière lettre datait de vingt jours. La Miraine ne cachait pas son angoisse. Elle avait écrit des lettres suppliantes à des camarades de son mari et aussi à un officier dont elle connaissait le nom ; ils ne se pressaient point de répondre.