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LES GARDIENNES

Bientôt, ils approchèrent de Saint-Jean. Le Marais élait à son heure de beauté. Francine songeait à la promenade qu’elle avait faite quinze jours auparavant ; sur son cœur un peu angoissé, la douceur du souvenir coulait comme un baume, Elle murmura :

— Veux-tu me faire plaisir ? Conduis-moi à la Belle Rigole…

— Volontiers, dit Maxime, c’est tout près… Je te montrerai l’endroit où j’ai fait, il n’y a pas longtemps, une fameuse pêche.

Le bateau descendit lentement le courant, sous le tunnel de verdure, puis traversa la clairière d’eau.

— C’est ici, dit Maxime ; tu vois ces herbes… eh bien ! à cette place, j’ai levé vingt perches dans un seul engin… Je les ai portées aux Américains et ils m’ont donné en échange, cinq boîtes pleines de tobacco !

Il reprit :

— Regarde donc ! c’est ici !

— Oui… Oui !… Je vois ! répondit Francine.

Mais ses regards n’allaient point dans la direction indiquée par Maxime ; ils glissaient vers la hutte et suivaient une double piste encore un peu marquée dans l’herbe haute.

— Cette hutte que tu vois, dit l’enfant, elle appartient à la Miraine chez qui tu vas… et ce paradis est sien également.

Francine avait rougi ; lui, la voyant ainsi troublée, pensa qu’elle était fort triste et ne parla plus. Il la conduisit droit à Saint-Jean.