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LES GARDIENNES

elle avait de quoi ; sa maison passait pour une bonne maison.

Francine quitta Sérigny le dimanche, juste huit jours après le départ de Georges. Son trousseau, pendant ces derniers mois de belle espérance, s’était beaucoup accru, car elle avait acheté du linge. Elle sortit de la Cabane, un gros paquet sous chaque bras ; à sa main droite pendait la boîte où se trouvaient, avec ses papiers et son argent, les lettres de son ami.

Debout, à l’avant d’un bateau, Maxime l’attendait. Il était très fâché, lui, de cette aventure. Sans en deviner la raison, il en tenait sa grand’mère pour résponsable et, depuis quelques jours, parlait vivement contre elle, à ses risques et périls.

Il prit les paquets et les déposa sur le bateau, avec précaution ; puis, comme il avait vu faire aux Américains galants, il tendit la main à Francine pour l’aider à descendre.

Quand elle fut installée, il prit la rame et le bateau gagna la conche Saint-Jean.

Francine, sa boîte sur les genoux, regardait vers Sérigny. Elle apercevait encore la Cabane Richois, la Cabane Mazoyer et les jardins qui les séparaient ; elle apercevait aussi la petite ruelle qui menait vers le haut village et vers le Paridier. Elle regardait tout cela avec émotion ; sans trop de tristesse pourtant… Car elle ne disait pas adieu à Sérigny. Elle partait, cette fois, avec l’idée de revenir ; par enchantement d’amour, elle était maintenant une fille comme les autres et il y avait pour elle, sur la terre, un pays