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LES GARDIENNES

Elle parlait d’une voix volontairement froide comme si elle eût discuté les conditions très ordinaires de n’importe quel marché.

Les jambes de Francine fléchirent ; elle glissa le long du mur et tomba sur les genoux. Les lèvres dansantes, elle balbutia :

— Je ne voudrais pas… je ne voudrais pas vous quitter !

La Misangère, encore une fois, détourna les yeux ; mais elle se ressaisit aussitôt.

— Tu partiras cependant !… Il le faut !

La main droite étendue au-dessus de Francine, elle répéta plusieurs fois :

— Il le faut ! Il le faut !

Puis, elle tourna les talons et sortit de la grange.

Il n’y eut pas d’autre discussion.

Lorsque Francine revint des champs, à midi, elle avait la figure calme et les yeux résignés.

Dès le lendemain, elle se préoccupa de trouver une autre condition. Pour cela, elle n’alla point vers la ville ni même vers les villages lointains. Il lui eût été pénible, cependant, de rester à Sérigny même ; elle se loua seulement le plus près possible, au village de Saint-Jean-du-Marais. Là, comme partout, les bras manquaient et les gardiennes ne tenaient plus que par miracle. Une fermière maraîchine qui restait seule avec son père, vieillard usé, et deux petits enfants, n’hésita point à offrir à Francine un très bon prix. C’était Miraine qu’elle se nommait et