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LES GARDIENNES

reprendre, ramener son cœur où il fallait. Alors, sans hésiter, l’âme glacée, comme on inflige à un malade le remède hardi et cruel qui doit sauver, elle porta durement le coup.

— La servante d’ici est une fille de rien ; elle donne rendez-vous aux étrangers débauchés.

Puis, sans vouloir remarquer qu’il tremblait, elle lui prit la main.

— Viens ! dit-elle ; tu sais que la route est encore longue… Il ne faut pas manquer le train.

Docilement, il se laissa conduire, étourdi par le choc. Ils coupèrent à travers la plaine et gagnèrent le route. La mère parlait d’une voix tranquille comme si rien ne se fût passé ; elle faisait à son fils les dernières recommandations et l’exhortait au courage.

— J’ai bon espoir à présent… je crois que les ennemis seront vite chassés et que la guerre prendra fin… Lorsque tu reviendras, ce sera pour ne plus repartir.

Elle disait encore :

— Tu ne seras pas en peine pour t’établir dans le pays. Je vois pour toi une belle place…

Il ne répondait pas, la tête basse, les yeux cachés par le casque. Elle le conduisait, l’avertissait comme un tout petit.

— Prends garde ! il y a une grosse pierre devant toi… Marchons moins vite, maintenant : tu prendrais froid à la gare.

Elle serrait sa main et le calmait sous l’abondance des paroles ordinaires.