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LES GARDIENNES

— Ils t’aiment beaucoup, ceux-là, dit la Misangère, surtout Marguerite…

Il ne répondit pas ; elle reprit :

— Marguerite est une fille comme on n’en rencontre pas partout. Elle s’inquiète fort à ton sujet. J’espère que tu lui écriras souvent, Georges

— Mais oui ! dit-il ; bien sûr !… je lui écrirai.

Aussitôt il parla d’autre chose ; puis, il s’arrêta, souleva son casque.

— Mère, il n’est pas utile que vous veniez plus loin : l’heure avance et je dois marcher vite…

Mais elle, de sa voix ardente :

— Mon enfant, je veux t’accompagner encore.

Pour gagner du temps, ils prirent un raccourci qui devait les mener à la route, à travers la plaine. Ils marchèrent en silence. La mère cependant voulait parler ; l’inquiétude nouvelle qui s’ajoutait à l’angoisse de la séparation lui était insupportable. Georges ne la quitterait pas sans qu’elle lui eût montré le droit chemin, à lui comme aux autres, dût-elle, faisant cela, le blesser. Mais elle n’osait pas, éprouvant une timidité imprévue devant cet enfant qui, loin d’elle, était devenu un homme et qu’elle devinait jaloux de sa liberté, prêt à se défendre, hostile presque.

Bientôt, ils furent hors du village, s’engagèrent dans un sentier qui passait derrière le Paridier.

Georges leva la tête et son regard, pour l’adieu, se posa sur les bâtiments de la ferme que la brume matinale enveloppait. Il pensa :

— Francine ne se doute pas de ma présence ici,