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LES GARDIENNES

Mais de légers souflles semblaient s’amuser à fermer ces yeux clignotants ; les feuilles jouaient avec les rayons, se rabattaient ou se relevaient comme d’agiles paupières. Tout était indécis, frissonnant, pris dans un réseau d’ombres mobiles et de clartés furtives. De temps en temps, l’aile d’un oiseau pêcheur jetait sa petite flamme bleue. À l’extrémité de la voûte, très loin, une clairière d’eau où le soleil tombait librement, offrait aux yeux des splendeurs d’aube.

Georges et Francine voyageaient dans la pénombre verte et dorée ; et, sur eux, s’étendait un silence mystérieux.

Georges murmura :

— On dit la Belle Rigole et ce n’est pas mensonge. Moi-même, je ne la connaissais pas bien. Pour la voir aussi belle qu’elle est, il me fallait la voir avee vous, Francine !

Îl ajouta :

— Aujourd’hui, mon bonheur est grand. Et vous, Francine, êtes-vous heureuse ?

Elie répondit du fond de son rêve :

— Je suis au paradis !

Georges se serra contre elle et il imposa ses yeux et ses lèvres. Ils ne parlèrent plus, perdirent la notion du temps et des choses ; la folie d’amour fut souveraine en leurs âmes.

Le courant les porta lentement jusqu’à la clairière d’eau et ils traversèrent, sans y prendre garde, la fête royale du soleil. Puis le bateau tourna et alla s’immobiliser à l’entrée d’un fossé. Alors, Georges