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LES GARDIENNES

ses lourds habits de soldat par un clair costume printanier qui le faisait paraître plus mince. Dès que Francine fut assise commodément sur une sorte de coussin qu’il avait apporté, il prit place en face d’elle sur la planche d’arrière. Les manches retroussées, le col ouvert, il manœuvrait sa pelle avec une aisance robuste et le bateau filait comme un poisson voyageur.

Abandonnant le Grand Canal à cause des promeneurs que l’on y pouvait rencontrer à cette heure, ils s’enfoncèrent au cœur du Marais.

— Je veux vous mener à la Belle Rigole de Saint-Jean, mais par des petits chemins que vous ne connaissez pas, par des chemins d’amoureux où nous ne rencontrerons personne.

Francine laissait pendre son bras, livrait ses doigts à la caresse de l’eau ; elle regardait son ami avec des yeux émerveillés et toutes ses pensées flottaient comme un brouillard assiégé de soleil.

Ils passèrent devant la hutte du Grenouillaud, mais le bonhomme ne s’y trouvait point, parti sans doute à la découverte, par ce beau temps où les bêtes les plus lentes de la terre et des eaux, agitées d’amour, entreprenaient leurs voyages d’aventures et se laissaient imprudemment épier.

Puis, ils aperçurent, au bout doré d’une rigole, le village de Saint-Jean sur sa motte grise, au milieu de la verdure. Georges tourna par un petit fossé de traverse, si étroit que le bateau avait juste passage. Il y faisait presque noir : les frênes de bordure formaient voûte et, souvent, il fallait se baisser. Fran-