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LES GARDIENNES

à la houe des rayons dans le guéret préparé ; elle, dans ces rayons, semait des graines et, comme il allait à reculons, elle semblait le poursuivre.

Tout à coup il s’arrêta, chercha les yeux de Francine et sa parole fut nette.

— Vous m’avez écrit plusieurs fois, dit-il, huit fois exactement… Or, vous ne m’avez jamais parlé de ces Américains… Pourquoi ?

Elle eut un geste vague et murmura, avec la maladroite timidité d’une coupable :

— Pourquoi… je ne sais pas ! Il y avait autre chose à dire… Cela n’était pas fort intéressant pour vous !

Il fit entendre un rire bref.

— C’est bien vrai ! dit-il, je ne m’intéresse pas énormément aux Américains qui sont ici… Mais les demoiselles du pays ne pensent pas comme moi ; j’en connais déjà quelques-unes qui s’y intéressent beaucoup trop !

Francine l’écoutait, étonnée par ces paroles et surtout par le ton, si âpre. Il poursuivit :

— Celles-là non plus, si elles ont un ami parmi les pauvres qui sont en guerre, ne doivent pas leur parler des Américains.

Elle comprit alors ce qu’il voulait dire et rougit jusqu’aux cheveux. Elle balbutiait, les lèvres tremblantes :

— C’est mal !… oh ! c’est mal !

Ses larmes jaillirent.

Georges se remit à l’ouvrage, la tête basse, honteux d’avoir insisté si lourdement, mais cependant