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LES GARDIENNES

Il rougit un peu.

— Il est pourtant bien juste aussi que je travaille pour ma famille ; j’ai d’ailleurs une longue permission cette fois et je pourrai passer partout… J’y suis allé hier, à la boulangerie : on n’avait pas besoin de moi.

— As-tu vu Marguerite ?

— Bien sûr ! je l’ai vue… et je ne l’ai pas trouvée vaillante !

La Misangère regardait son fils avec attention ; elle vit qu’il prononçait ces derniers mots avec un peu de tristesse peut-être, mais sans trouble. Elle fut inquiète, vaguement, craignit, pour ses projets, des influences contraires. Elle n’osa cependant insister davantage pour le moment.

Georges s’en alla donc dans la plaine, rejoindre Christophe et Francine. Bientôt, le jeune valet revint à la ferme chercher les bêtes.

— Francine, dit Georges, ce matin, en vous quittant, je suis allé voir les soldats américains qui sont chez nous.

Elle leva la tête, surprise, parce qu’il parlait d’un ton léger et qui voulait paraître malin.

— Oui, j’ai causé avec eux… ils ne sont pas trop à plaindre et ne doivent pas souhaiter, comme les combattants, la fin de cette guerre.

— En effet, dit-elle, les Américains ne sont pas à plaindre…

Elle attendit vainement des paroles plus douces. Un silence gênant les sépara ; ils firent mine de s’intéresser davantage à leur besogne. Lui, traçait