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LES GARDIENNES

— Me prends-tu pour une recrue ?… Promis mariage ! tu me fais un peu rire, toi… Elle a un mari déjà… qui est margis d’artillerie combattant à l’armée de Salonique… Un gars qui a fait la Marne, l’Yser, la Champagne… des batailles dont tu n’as même pas la moindre idée, mon pauvre vieux !… S’il revient un jour et s’il lui reste un peu d’esprit, il jettera cette gueuse au Canal, avec une pierre au cou !

Il prenait de l’humeur et parlait amèrement.

Il y avait deux façons d’être en guerre, c’était connu… deux façons bien différentes !… Et ceux qui se faisaient tuer — toujours les mêmes — pouvaient se tranquilliser : leurs femmes ou leurs fiancées ne dépérissaient pas d’ennui en leur absence… Elles passaient joyeusement leur temps en compagnie des soldats embusqués, étrangers ou français, blancs ou noirs ou même jaunes, tous bien nourris, bien propres et les poches gonflées d’argent. Non ! il ne fallait pas lui en conter, à lui qui avait passé partout, qui avait vu la débauche s’étaler en certains pays d’arrière !

Les Américains ne répliquèrent pas. Georges, en les quittant, avait le front rouge de colère et le regard méprisant.

Après le déjeuner, il se mit en tenue de travail et se fit indiquer par sa mère quels services il pourrait bien rendre au Paridier.

— Tu devrais d’abord, lui dit-elle, porter ton aide à la boulangerie ; c’est là ta place plutôt qu’à la culture.