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LES GARDIENNES

qu’un montait vers Château-Gallé, venant du village. La Misangère, tirée de sa songerie, abaissa les yeux et reprit vivement son tricot car il lui eût été pénible de se laisser surprendre ainsi en attitude paresseuse. Elle reprit donc son ouvrage, mais aussitôt ses mains retombèrent : c’était Misanger qui arrivait. Il poussa la petite barrière du courtil et s’avança vers la maison, vieux, triste, les épaules accablées et le regard à terre. Elle, qui songeait aux malheurs de la guerre, se redressa d’un coup :

— Qu’y a-t-il done ?

Il répondit, sans s’arrêter :

— Rien !… il n’y a rien….

Et il entra dans la maison.

De son banc, elle demanda encore :

— Alors pourquoi reviens-tu si tôt ?

Il ne répondit pas, cette fois, feignant de n’avoir pas entendu. Elle reprit sur un ton sévère :

— Il y a encore une heure de jour au moins… Si vous aviez terminé votre chantier, il fallait en commencer un autre !

Le père Claude osa dire :

— Des chantiers !… des chantiers !… J’en ai beaucoup commencé dans ma vie et beaucoup terminé… J’ai fait ma part… Je suis au bout !

Elle se leva aussitôt, entra à son tour et vint s’appuyer à la table devant Misanger.

— Qu’est-ce qu’il y a donc encore ?

Alors lui, les yeux baissés, parlant vite pour se donner du courage :